vendredi 30 mars 2012

La névrose du catalogueur



J'ai toujours voulu mettre de l'ordre dans le monde. C'est pour ça qu'à 10 ans je voulais être architecte : pour construire des maisons carrées où ranger les gens. Heureusement, je me suis vite aperçue de mon erreur d'appréciation de ce métier... En terminale, je voulais être taxonomiste, pour mettre des noms sur le vivant. En licence, paléontologue, pour déterminer la phylogénie des espèces. En master, hydrogéologue, pour simuler et comprendre la répartition des flux souterrains. Et maintenant bibliothécaire, grand ordonnateur du monde par excellence, indexeur de tous les savoirs, classificateur du sens.

Quand tout va mal, je range. Je trie les tiroirs à chaussettes, je réarrange les boîtes de conserves par date de péremption, je jette les vieux magazines. Et en mettant en forme l'espace autour de moi, mon esprit retrouve apaisement et clarté. Mon appartement n'est jamais aussi propre qu'en période de concours : pour ranger les savoirs dans ma tête, il me faut ranger les choses qui m'entourent. Au quotidien, l'état de désordre de ma chambre est un bon indicateur de mon état de désordre intérieur.
On dirait un cliché sur pattes, mais c'est bien vrai. Faut-il être névrosé pour devenir catalogueur ? Ou la névrose se développe-t-elle, s'entretient-elle, en cataloguant ? Les bibliothécaires sont-ils tous les maniaques que la littérature décrit ? J'espère bien que non. J'espère bien que nous ne sommes pas tous des autistes mal diagnostiqués, des rangeurs invétérés, des sorcières du placard à balais. Que ce n'est qu'une coïncidence.

En tout cas, j'ai l'impression que c'est un peu pour ça que j'ai du mal à m'adapter aux remous de la vie parisienne, aux remugles du métro, à l'inconstance d'une vie passée entre deux chez soi, une quinzaine d'heure de tgv par mois, comme si j'éparpillais mes organes internes tout du long de la route.
Mes habitudes salvatrices mettent des jours à se recréer. Je réapprends à vivre dans un environnement si différent de celui que je quitte, il me faut du temps pour reprendre mes marques. Puis il faut déjà repartir et tout recommencer de l'autre côté. Je me fais l'effet d'un Sisyphe en blue jeans.

Les jours où tout va mal, je me dis que je voudrais rentrer chez moi, et je m'aperçois que "chez moi" est devenu un lieu imaginaire, composite, auquel je ne sais pas accéder. Je finis par être plus chez moi dans mon bureau, où je peux ranger tranquillement les savoirs à leur place, cataloguer, rétro-cataloguer à l'envie, aller ranger des livres quand mes yeux sont trop fatigués pour supporter encore la brillance de l'écran. Il manquerait juste un oreiller pour pouvoir me rouler en boule sous mon bureau parfois...

Je suis convaincue qu'il suffit d'aller bien dans une part de sa vie pour pouvoir supporter tout le reste. En ce moment, au jour le jour, c'est le catalogage qui me permet de ne pas m'effondrer.


Licence Creative CommonsPhoto : prise par mgysler.
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mardi 27 mars 2012

Identité professionnelle et états d'âme



Je n'ai pas compté exactement combien nous étions, ce lundi-là, à nous presser les unes contre les autres pour être rassurées par les instances dirigeantes quant au bien fondé et à l'avenir de notre profession. Je n'ai pas compté, donc, mais c'était tout à fait flagrant. Nous n'étions que des femmes. Enfin, il y avait bien une poignée d'hommes, dont deux sur scène, mais la masse féminine était insoutenable. Et j'ai ressenti un puissant malaise me criant que je n'étais pas à ma place. J'aurais dû m'y attendre pourtant, je connais bien les chiffres, mais c'était la première fois que j'assistais à un véritable rassemblement de bibliothécaires, et j'ai été choquée.

Ça m'emmerde beaucoup, mais j'ai profondément honte de faire un métier de filles. Cela date peut-être de mes études scientifiques pendant lesquelles, d'années en années, la proportion féminine s'amenuisait. J'étais dans mon élément parmi mes pairs masculins, j'étais heureuse de me destiner à un métier d'hommes (je n'ai pas les chiffres, mais je peux vous assurer que les chercheurs en sciences de la terre sont majoritairement mâles), pour leur prouver à tous, pour faire flancher les chiffres, par orgueil. Et puis j'ai finalement compris que le terrain n'était pas fait pour moi et un job de monitrice m'a menée en bibliothèque universitaire.

La bibliothèque universitaire, c'était un moindre mal. Le centre de documentation d'EPST, c'était vraiment bien. Tout pour ne pas faire "bibliothécaire pour mômes". Je ne suis pas maternelle, je ne suis pas fifille, je n'aime pas le rose. Je ne m'identifie pas aux métiers féminins, et bibliothécaire jeunesse semble être dans le top trois des professions de filles, avec institutrice et infirmière. Et femme au foyer. Alors quand, dans le cadre de mon nouveau poste universitaire, je me suis retrouvée à acquérir de la littérature jeunesse, ça m'a fichu un coup.

Mais pourquoi ? C'est trop idiot ! J'ai honte d'un métier que j'adore ! J'ai honte quand je pense à faire une incursion dans la territoriale pour raisons de mobilité. Rhô, j'étais forte en classe, j'aurais dû faire un métier d'hommes, ouvrir des voies, déjouer des plafonds de verre, plutôt que de me destiner à de basses tâches féminines ! J'ai honte, lorsque je me présente, d'énoncer mon métier. Il sonne comme une sorte d'échec. Je ne suis "que" bibliothécaire. Alors, tout de suite, je précise, je complète : je travaille dans une université ! J'ai affaire à un public professoral et estudiantin ! Je ne suis pas cette bibliothécaire-là, celle qui lis des histoires à des classes passives, qui reste derrière son bureau à surveiller, qui fait chut ! en agitant la main ! Non, ce n'est pas moi ! Non ! Non ?

Mais pourquoi ai-je d'imprimés dans mon cerveau tous ces préjugés idiots ? Je sais bien, rationnellement, que bibliothécaire territorial est un métier superbe et indispensable, de médiation et de vulgarisation, et je suis sûre que j'adorerais l'exercer, m'y fondre. Il faisait d'ailleurs partie de mes envies de départ, quand j'ai commencé à réfléchir à me réorienter vers les métiers du livre : comme ce serait formidable de vulgariser les sciences qui me sont si chères via les documents et les animations d'une médiathèque ! Comme ça me plairait de devenir actrice de la promotion de la lecture et de la culture dans ma ville !

Alors pourquoi, jusque dans mon cerveau, se perpétuent ces images sexistes ? Pourquoi "bibliothécaire jeunesse" reste un n.f. dans nos dictionnaires mentaux ? Où sont les hommes ? Qu'on me les montre ! Qu'ils se dénoncent ! Qu'ils se promeuvent ! Qu'ils nous montrent leur joie et leur fierté à exercer ce beau métier "de filles", de BDP en BM, d'heure du conte en accueils scolaires ! Qu'ils viennent réinvestir ces métiers dont ils s'étaient retirés pour laisser place aux femmes, emportant avec eux la valeur et le prestige de la tâche, les grands noms et les hauts salaires. Qu'on nous donne enfin une parité réelle, un monde où les métiers maternants ou méticuleux seront véritablement mixtes, où les petits garçons pourront pouponner et mettre du rose sans être mis à l'index par le reste du monde.

Au final, je m'en veux de me prendre ainsi la tête. Comme Caitlin Moran, je me pose la question : "are the boys doing it?". Les garçons s'inquiètent-ils de la sexuation de leur métier, passent-ils des heures à se triturer la cervelle pour savoir si, en choisissant tel travail, tel mode de vie, telles chaussures, ils ne délaissent pas le combat de leur genre, ils ne laissent pas tomber leurs comparses ? Non, semblent-ils dire, occupés qu'ils sont derrières leurs écrans, devant des rangées de berceaux, aux commandes de leurs camions, à quatre pattes devant le rayon des 305.42 à chercher une référence disparue.

"Then, we can use the technical term, and call it bullshit."

Ils s'en fichent. Ils faut donc nous en ficher aussi. Et avancer, et faire plutôt que de rester à cogiter. En espérant que nos filles n'éprouvent jamais ce sentiment d'échec idiot en choisissant un métier ni d'hommes, ni de femmes, juste un métier d'humains. Et un métier drôlement chouette qui plus est.


Licence Creative CommonsPhoto : prise par moi-même au Père Lachaise en mars 2012.
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vendredi 23 mars 2012

Faut-il encore des bibliothécaires ?



J'étais lundi au salon du livre, dans le petit enclos où s'est déroulé le débat intitulé "Faut-il encore des bibliothécaires ?". La salle était comble, le sujet faussement provocateur, mais j'étais là, les oreilles grandes ouvertes, avec pour mission de tout raconter ensuite à mes collègues. Alors, toute occupée à ma prise de notes, je n'ai pas eu le réflexe, comme d'autres plus malins, de live-tweeter l'affaire.

C'est pourquoi, en lieu et place d'un témoignage "en direct", je propose ci-dessous, à ceux qui auront l'envie de les lire, les quelques notes que j'ai pu prendre.
Pour les autres, en voici un court résumé : ils ne faut pas avoir peur des bénévoles, ils déchargent les bibliothèques du travail social qui pourrait être mené en leur sein. Ils ne faut pas non plus avoir peur des autres corps de métiers qu'on peut trouver dans nos établissements : ils sont là pour nous aider, pas pour prendre notre place. Voilà. En gros. Pour les détails, je vous laisse voir ci-dessous.

Faut-il encore des bibliothécaires (dans les bibliothèques) ?


Débat entre Anne-Marie Bertrand, Dominique Arot et Marie-Christine Pascal ; animé par Christophe Pavlidès.

Anne-Marie Bertrand : Michel Melot a écrit que bibliothécaire est « un métier incertain ». Il y a une certaine indéfinition du métier.

Les techniques que doivent employer les bibliothécaires peuvent être à la fois techniques, relationnelles, managériales et stratégiques. Stratégiques car conservateur est un métier politique : il faut analyser, évaluer son environnement, faire de la conception, de la mise en œuvre de projets, rendre des comptes.

Pour acquérir toutes ces compétences, la formation initiale ne suffit pas. La formation continue est indispensable.

Dominique Arot : le grand nombre de personnes venues assister à cette conférence [il y avait des gens assis par terre, la salle était pleine à craquer] témoigne de la passion des bibliothécaires pour leur propre métier.

La création de l’ABF en 1906 s’est faite autour de la définition du bibliothécaire comme étant un métier. Le questionnement est constitutif de notre activité.

Certaines des activités qui faisaient l’image traditionnelle des bibliothèques sont en train de disparaître (prêt, catalogage) au profit de nouvelles questions comme la médiation (accompagnement des lecteurs, accueil sur place et à distance). Cela nécessite l’arrivée de nouveaux métiers au sein de la bibliothèque (communication, formation, etc.). Par exemple, il a été démontré que les universités qui ont su modérer l’échec en premier cycle sont celles qui ont mis en place des formations documentaires.

Il existe un cloisonnement entre les fonctions publiques. Par exemple il n’y a pas de conservateurs généraux territoriaux et la fonction territoriale tend à être pensée comme inférieure à la fonction d’Etat. Il faudrait faciliter la diversité des carrières, comme dans les bibliothèques anglo-saxonnes. Nous sommes dans un secteur qui recrute, malgré la crise. A l’avenir peut-être pourrait-il ne plus y avoir de monopole d’emploi des bibliothécaires par la fonction publique (par exemple, entreprises fournissant des livres pré-catalogués…).

Marie-Christine Pascal : 2011 était pour l’Union Européenne l’année du bénévolat et du volontariat. Dans ses propositions en 2010 pour le livre, Frédéric Mitterrand proposait la mise en place d’un état des lieux sur les bénévoles en bibliothèques publiques. C’est ce qu’a effectué Mme Pascal, dans un rapport rendu au ministère de la Culture et de la Communication.

Les réseaux des BDP comptent au moins 52 000 bénévoles (soit 84% des personnels). 30% d’entre eux ont obtenu une qualification auprès de l’ABF ou des BDP. Il y a plus de 2 200 bénévoles dans les communes de 10 000 à 200 000 habitants, soit dans 113 communes. Les communes de taille plus élevée n’emploient pas de bénévoles dans leurs bibliothèques.

Le bénévolat associatif représente plus de 19 000 bénévoles, dans des associations telles que l’AFEV (présente dans 41 villes), ATD quart-monde (présente dans 44 villes) ou Lire et faire lire (présente dans 5 500 structures).

Au total, les bénévoles sont plus de 73 000 en France. Ce chiffre est à comparer avec les 36 300 agents territoriaux employés dans des bibliothèques.

Dans les réseaux des BDP, les bénévoles font de la gestion de bibliothèque. D’ailleurs, plus de 3 000 bénévoles sont directement responsables d’une bibliothèque. Les bénévoles associatifs font plutôt de la médiation, de la lecture hors les murs.

Anne-Marie Bertrand : les élèves conservateurs sont prêts à cohabiter pacifiquement avec les autres corps de métiers présents en bibliothèque. Pour citer Michel Melot, « comme dans un navire, dans une bibliothèque on a besoin de plusieurs métiers ».

On retrouve en bibliothèque des administratifs, des communiquants, des juristes, etc. Ces personnels peuvent avoir des statuts différents (provenir d’autres filières ou être contractuels) ou fournir des services externalisés. Certains conservateurs s’éloignent même de leur cœur de métier (notamment à l’ENSSIB ou la BPI, ils peuvent faire notamment de la recherche).

Les bibliothèques ont besoin de médiathécaires, de discothécaires, de vidéothécaires… bref, de machins-thécaires !

Dominique Arot : L’inspection générale des bibliothèques s’intéresse à la formation des professionnels et à leur recrutement et s’interroge sur le devenir des emplois en bibliothèque (évolution des catégories, etc.). Il s’agit de dresser une réalité de l’emploi en bibliothèque puis de saisir les tendances, les évolutions possibles. Un rapport sera publié sur le sujet fin 2012.

On peut parfois observer un réinvestissement d’une activité extra-professionnelle dans la sphère professionnelle (exemple des réseaux sociaux : ce sont les agents actifs personnellement qui sont aussi actifs professionnellement sur ces plateformes).

En France, on observe une attitude frileuse vis-à-vis des bénévoles. Mais ce sont eux qui permettent de faire entrer le social en bibliothèque (par exemple, lecture au domicile d’enfants en difficultés ou à l’école par des séniors). Il faut que les usagers aient leur place dans l’établissement, y compris pour prendre en compte leurs compétences.

Marie-Christine Pascal : il y a une méconnaissance réciproque entre associations et institutions. Il faudrait mettre en place des formations, des liens, des partenariats.

Le remplacement craint de salariés par des bénévoles n’a pas eu lieu. En effet, les bénévoles se placent sur des axes sur lesquels les bibliothécaires ou les élus ne veulent ou ne peuvent pas aller, comme aller au devant des publics empêchés par exemple (on ne veut pas « faire du social » en bibliothèque, « ce n’est pas notre métier »).

Il serait alors peut-être temps de se reposer la question des missions des bibliothèques. Il faudrait créer du lien social entre les bibliothèques et leurs publics. Ne serait-il pas temps de mettre le lecteur au cœur de notre métier ?


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Photo : prise par Shutterhacks.
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mercredi 21 mars 2012

Se préparer à la réussite



J'ai reçu ma convocation au concours de conservateur externe et, non, je n'irais pas. Je l'ai jetée, je suis déterminée, je n'irais pas cette année. Mais cela m'a fait repenser à l'an dernier, à toutes ces heures à m'user les fonds de pantalon sur des bancs d'école, à composer, à synthétiser. Tous mes congés ou presque passés à réviser. Et puis l'oral, la fierté de pouvoir défendre en personne ma candidature, la fierté d'être reçue. Et puis la peur, la peur immense. Car personne ne nous l'a jamais dit ça, ce qu'il se passe, une fois reçu.

J'ai épluché le Web à la recherche de témoignages, d'informations, de bribes. J'ai rédigé des messages sur des forums. Je me suis même fait violence et je suis allée interroger les bibliothécaires de la BU d'à côté. J'ai passé deux semaines d'angoisse à attendre le courrier explicatif du ministère. Mais leur message sibyllin n'a pas su répondre à toutes mes interrogations. Et je crois que c'est à ce moment-là que je me suis dit que, si j'avais un blog, j'irais témoigner de ce qui se passe *après* avoir été reçu. Pour que d'autres puissent faire baisser un peu leur taux d'anxiété et accueillir plus sereinement la suite, contrairement à moi.

Tout ce que je vais décrire ici concerne mon expérience de reçue au concours de Bibliothécaire adjoint/assistant spécialisé externe, mais je suppose que certaines parties peuvent être transposées à d'autres concours des bibliothèques d’État (quoique pour le passage à l'Enssib des catégories A, c'est pour moi le noir complet). N'hésitez pas à compléter / corriger mon propos dans les commentaires si vous avez d'autres points à ajouter.


Voilà, votre nom est apparu dans la liste, vous avez sauté de joie et trinqué à qui mieux mieux. Que se passe-t-il ensuite ?
- D'ici une ou deux semaines, vous recevrez les instructions officielles du ministère par courrier ;
- Sachez déjà qu'ils vont vous renvoyer vers le serveur Poppée dédié à la gestion des personnels des bibliothèques et, que dans un futur proche, la liste de établissements proposant des postes "au concours" y sera affiché ;
- Pas de suspens de ce côté-là : environ 80% des postes proposés seront sur Paris ;
- Il vous faudra appeler chaque établissement (en espérant que le numéro fourni soit le bon ou en tâtonnant jusqu'à trouver un interlocuteur bienveillant) pour obtenir une fiche de poste, ou tout du moins une description succincte ;
- Ce que personne ne dit, c'est que vous êtes sensé essayer d'obtenir un rendez-vous avec les responsables des bibliothèques qui vous intéressent, comme pour un entretien d'embauche, et y faire bonne figure ;
- Dans les faits, certains voudront bien se contenter d'un entretien téléphonique ;
- Dans tous les cas, préparez-vous à passer de nombreuses heures au téléphone aux heures de bureau (comme c'est pratique... j'aurais bien pris des jours de congé juste pour m'occuper de ça mais ils étaient déjà tous partis dans la préparation et le passage des concours : soyez plus malins que moi, gardez-en un ou deux !) ;
- Une fois le délai officiel de réflexion achevé, il vous faut renvoyer une liste de vœux (cinq je crois ?) au ministère ;
- Les établissements aussi peuvent énoncer des vœux quand aux candidats qu'ils souhaiteraient accueillir (mais d'après les directeurs à qui j'ai pu en parler, leur prise en compte reste assez minime) ;
- Il faut aussi renvoyer aux ressources humaines du ministère tout un tas de paperasses administratives, enfin la routine habituelle quoi ;
- Le ministère fait sa tambouille, entre le classement des candidats, les vœux des uns et des autres, le cycle de la lune et, environ deux semaines plus tard (si mes souvenirs sont justes), votre affectation apparaît sur Poppée (joie ? horreur ? consternation ?) ;
- Il faut renvoyer un papier pour accepter ladite affectation ;
- Et n'oubliez pas de contacter votre nouvel établissement, non seulement pour savoir où et quand débarquer chez eux, mais aussi parce que *leurs* ressources humaines auront aussi besoin de tout un tas de paperasse.

Bonnes chances à tout ceux pour qui les dates d'admissibilité se rapprochent à grands pas !


Licence Creative CommonsPhoto : prise par moi-même dans l'Ain en juillet 2011.
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lundi 12 mars 2012

En veille



Je l'avoue, je suis une médiocre veilleuse, et je m'en veux beaucoup. Mon reader spécial "bibliothèques" déborde constamment et j'en repousse toujours la lecture à d'hypothétiques moments plus propices ou plus calmes. Après tout, il s'agit là de veille professionnelle ! Je ne vais pas la lire sur un coin de table en déjeunant ou à moitié assoupie au fond de mon lit ! Elle réclame une posture active, une prise de notes alerte ! Alors, évidemment, à vouloir faire trop bien, je ne fais rien du tout, je ne lis que trop rarement et toujours en complet décalage avec l'actualité brûlante qui agite Twitter de soubresauts constants.

Pourtant, je m'aperçois que je lis quotidiennement quantité de blogs (qui, eux, ne parlent pas de bibliothèques). Leur lecture me divertit bien sûr, m'enrichit parfois, et c'est avec plaisir que j'en fais le tour chaque matin. J'aime qu'on me raconte des histoires, qu'on me fasse découvrir d'autres métiers, des points de vues différents, de nouveaux horizons. Mais les blogs de bibliothécaires aussi sont porteurs de tous ces étonnements, ces émerveillements, ces amusements, en plus d'apporter d'intéressantes réflexions professionnelles. Alors, pourquoi m'en priver bêtement ?

Alors, il y a deux semaines, j'ai pris la bonne résolution de cesser de procrastiner, de culpabiliser, de pondérer indéfiniment. Et j'ai lu. Une tartine à la main dans la pénombre du petit jour. Tassée contre des inconnus sur ma ligne de RER. Assise à la banque de prêt en attendant que le dernier étudiant finisse de ranger ses affaires. Enfouie sous ma couette, toutes lumières éteintes. En commençant par la veille avisée de Cécile Arènes. En dépouillant mes innombrables flux RSS. En cliquant frénétiquement sur les liens proposés par de valeureux et bouillonnants twitteurs. Et en recommençant le lendemain.

Plus de cogitations, plus de coupables tergiversations : je veille ! Mes stylos de couleurs et mes fiches cartonnées continuent de me faire de l'oeil et de me démanger, mais tanpis ! Je lis ! Je m'imprègne du bon sens et des lumineuses idées de tous ces virtuels collègues ! Peut-être ne me souviendrais-je pas de tout, mais quoi, je n'ai plus d'échéance de concours à court terme, il n'est plus question de rédiger des fiches de lecture détaillées. Il était temps que j'en finisse de ces encombrantes habitudes !

Tout ça pour juste pour dire merci. Merci à tous, biblioblogueurs, d'alimenter ainsi mon infinie liste de lectures virtuelles. C'est un plaisir de vous lire enfin.



Licence Creative Commons
Photo : prise par Le Xav'.
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jeudi 8 mars 2012

Inaccessibles sommets...



J'avais prévu de parler de veille, mais puisque nous sommes le 8 mars pour encore quelques heures, je vais plutôt vous proposer un addendum à mon précédent billet.

En bibliothèque, nous avons la chance d'évoluer dans un milieu très féminisé, même en haut de l'échelle (environ 70% de femmes en bibliothèques et environ 70% de femmes parmi les conservateurs d’État). Sur mon lieu de travail actuel, il y a une majorité de femmes sur les postes à fortes responsabilités, et une majorité d'hommes sur les postes de magasiniers. C'est fort plaisant de sentir la normalité qui se dégage de cet état de faits. Qu'importe le genre de l'un ou de l'autre (ça tourne quand même pas mal dans l'équipe), il ne me semble pas ressentir de tensions sexistes, ni dans un sens, ni dans l'autre.

Mais à voir que les choses vont si bien, j'ai tendance à me demander : où est l'astuce ? Nos bibliothèques universitaires sont-elles vraiment un des rares lieu où l'égalité des sexes est respectée ? Quels sont les chiffres ?
Et c'est en me posant ces questions que je suis tombée sur l'excellent mémoire d'étude DCB de Séverine Forlani, daté de décembre 2009. Ses observations sont multiples et je vous laisserais donc parcourir le document pour obtenir plus de chiffres et de précisions.

Notons tout de même quelques points :
- Il y a 70% de femmes conservatrices d'Etat ;
- Dans le corps des conservateurs généraux, le nombre de femmes tombe à 60% des effectifs ;
- Il y n'y a que 57% de femmes directrices de SCD ;
- Pour les bibliothèques des universités les plus prestigieuses, le taux de femmes directrices tombe aux environs de 50% ;
- On observe une tendance à la "remasculinisation" du métier de conservateur au travers d'un plus fort taux d'admission au concours et donc d'une plus forte proportion de conservateurs de 2ème classe ;
- Certaines années, la proportion de femmes admises au concours externe de conservateur d'Etat est très inférieur (jusqu'à 35% seulement) aux pourcentages jusque là cohérents de candidates et de femmes admissibles (autour de 65%), ce qui suggère une discrimination positive des candidats masculins.

Et je vous passe toutes les observations de S. Forlani quant à la tendance à la dévalorisation des métiers lorsque les femmes les investissent (absolument terrifiant) ou sur la difficile féminisation des noms de fonctions (à m'en crever le cœur).

Conclusion : on n'est pas sorties des ronces. Comme l'explique l'auteure, les femmes ont du pouvoir en bibliothèque mais pas *le* pouvoir. Il reste plus difficile pour une femme d'atteindre les postes les plus prestigieux. Et, aujourd'hui, les candidates au concours de conservateur externe, bien que majoritaires, on en fait moins de chances d'être admises que leurs camarades masculins.

Alors le prochain qui sort une blague vaseuse sur la "journée de la femme", je le décanille.


Licence Creative CommonsPhoto : prise par moi-même en Isère en février 2011.
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