lundi 3 août 2015

La complexité croissante de l'environnement juridique


Suite au billet de la semaine dernière dans lequel je vous présentais mes notes concernant une conférence intitulée "Quand le bibliothécaire persécute l'usager", voici ce que j'ai retenu d'une autre table ronde de l'ABF 2015.

Cette fois-ci, le thème était "La complexité croissante de l'environnement juridique".

La table ronde était modérée par Véronique Mesguich, présidente de l’ADBS.

Et dans les rangs des intervenants, nous avions :

- Lionel Maurel, juriste et bibliothécaire, BDCI Nanterre.
- Mathilde Vergnaud, responsable du projet Bibliothèque numérique de référence et de l’informatique, bibliothèque municipale de Lille.
- Arnaud Vélasquez, propriétaire de la librairie Quai des Brumes à Strasbourg.


Voici, d'après mes souvenirs, ce qu'il s'est dit. Dans les grandes lignes.



Introduction de Véronique Mesguich : La bibliothèque organise des usages collectifs de la culture.

Il y a une inadaptation des spécificités du droit d’auteur aux missions des bibliothèques. La complexification juridique est-elle liée au passage au numérique et à Internet ?


Lionel Maurel : Il y a des lacunes dans la loi. Par exemple, le prêt de CDs ne fait pas l'objet d'une régulation, mais il est néanmoins entré dans les mœurs.

Le livre numérique fait lui aussi l'objet d'une lacune, mais la perception du numérique ne permet plus d'en faire le prêt aussi simplement que pour les CDs. Les distributeurs perçoivent une concurrence, ce qui les conduit à interdire ce type d’usages.


Arnaud Vélasquez : Les lecteurs tendent à revenir vers le lieu physique de la librairie, car ils considèrent que c'est plus éthique que de commander sur Amazon. Ils cherchent un titre en ligne mais viennent l'acheter en librairie.

Certains demandent à avoir la possibilité d'acheter en ligne, via le libraire.


Mathilde Vergnaud : Le passage au numérique comporte un risque :  celui de la protection des données personnelles via les SIGB full Web… Il faut évaluer l’ampleur du risque : il est plus grand avec des personnes physiques.


Lionel Maurel : Certes, il existe des risques, mais les procès sont rares. Il y a peu de sanctions, surtout des rappels à l’ordre de la CNIL.

L'un des problèmes de la numérisation, c'est de pouvoir identifier les auteurs et leur date de mort afin de pouvoir définir si leur œuvre est dans le domaine public.

Il faut alors se poser la question : jusqu’où va-t-on dans l’application du droit ? Pour certaines collections du début du XXème siècle, avoir à vérifier chaque œuvre individuellement pourrait rendre le projet impossible !

De plus, si l'on décide de prendre le risque, alors il faut faire attention à ne pas reporter ce risque sur des tiers. Lors d'un partenariat, pourra-t-on autoriser l'utilisation de ces contenus numérisés ?

La menace a un effet paralysant.


Arnaud Vélasquez : En tant que libraire, le seul problème de droit d'auteur fréquemment rencontré, c'est l'utilisation de photos d’auteurs pour faire la publicité d'un évènement.

Sinon, les éditeurs s’occupent du juridique, pas les libraires.


Lionel Maurel : Il y a un risque stratégique pour l’ensemble de la profession. Il faudrait ne pas traiter les problèmes de droit au cas par cas, au sein d'un établissement, mais réagir ensemble pour modifier la législation.

Par exemple, pour le prêt de livres numériques, les accords au cas par cas vont comporter des variations des prix, dépendre du nombre de prêts, etc.

Il faut défendre ensemble les usages collectifs afin qu'ils ne se retrouvent pas dissous dans un modèle qui ne fera plus ressortir leurs spécificités.


Mathilde Vergnaud : Il faudrait que chacun comprenne mieux les bases du droit afin de savoir comment réagir.

Dans chaque équipe, on pourrait par exemple envisager d'avoir un agent qui fasse de la veille sur l’évolution du droit.

Il faut aussi pouvoir faire appel à un professionnel pour les cas particuliers.


Lionel Maurel : Peut-être pourrait-on imaginer plus de formation continue ? Possiblement via un MOOC ?



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