Comme la plupart des bibliothécaires, je n'ai pas reçu de formation initiale sur la pédagogie. Pourtant, en particulier dans l'enseignement supérieur, nous sommes nombreux à devoir régulièrement donner des formations à des étudiants de divers niveaux. Dans mon cas, il s'agit de ma mission principale au sein de mon établissement.
Je vois des étudiants de master ou de doctorat, voire des actifs en formation professionnelle, la plupart du temps pour une session unique (quoique, c'est en train de changer, j'y travaille...) pendant laquelle j'ai pour mission de les rendre parfaitement autonomes pour tout ce qui entoure leurs recherches documentaires. C'est ambitieux. Il y a vraiment beaucoup à leur apprendre en quelques heures grappillées sur le cours d'un professeur bienveillant.
C'est en forgeant qu'on devient forgeron...
Du coup, j'essaie de me former moi-même au maximum, au travers de "formations de formateurs" ou de lectures choisies. J'ai en particulier assisté à un atelier passionnant d'Andrew Walsh sur la création de jeux à utiliser en bibliothèque. À cette occasion, j'ai découvert son livre, Active Learning Techniques for Librarians (1), une ressource incroyable pleine d'idées d'activités pour utiliser des techniques de pédagogie active lors de nos formations auprès d'étudiants.
Au-delà de Freinet et de l'Éducation Nouvelle, la pédagogie active consiste à impliquer l'apprenant dans son apprentissage, à lui donner un rôle plus actif que celui qui lui est généralement dévolu dans les cours de type "conférence". Or, cette dimension active est censée permettre à l'apprenant de mieux retenir les informations et les compétences sur lequel on le forme.
Puisque nous ne reverrons probablement plus jamais les étudiants qui passent en formation avec nous, il est d'autant plus crucial de s'assurer qu'ils retiennent effectivement ce que nous essayons de leur enseigner !
Or la pédagogie active permet d'évaluer la compréhension des étudiants au fur et à mesure des activités qu'on leur propose et de leur donner des retours sur leurs performances en cours de séance. Par exemple, il va être beaucoup plus facile d'identifier les personnes qui n'ont pas compris et ainsi de leur ré-expliquer différemment les choses afin qu'elles puissent corriger leurs erreurs.
Enfin, la capacité de concentration d'une personne normale étant très courte (de l'ordre de quelques minutes), parsemer sa séance d'activités pédagogiques permet de changer de rythme, faire une pause, et reprendre ensuite de manière plus concentrée.
Mais qu'est-ce que ça donne ?
Andrew Walsh et Padma Inala recommandent d'utiliser leurs activités tout au long d'une séance. Par exemple, on commencera par briser la glace avec quelque chose d'un peu amusant, ce qui permet du même coup de faire passer un message sur ce que l'on attend du groupe : ne vous endormez pas, je vais vous faire parler et dessiner des choses, mais n'ayez pas peur, ça va bien se passer... En cours de session, on enchaîne quelques activités afin d'aider l'apprentissage de chaque grand point au programme. Et on finit par une dernière activité permettant de vérifier les connaissances des étudiants ou de les faire réfléchir sur leurs nouveaux acquis.
Bon, tout ça c'est bien joli, mais dans la réalité, est-ce qu'on ne réinvente pas un peu la roue à vouloir donner des exercices et contrôler les acquisitions ? Certainement un peu, mais ça ne peut pas faire de mal. Mais surtout, est-ce qu'on ne va pas se retrouver à jouer les profs chiants qui veulent absolument faire participer des élèves qui voudraient juste dormir ? Le danger est réel. Personnellement, j'avais surtout très peur de leur paraître ridicule avec mes petites activités de maternelle.
Mais.
Mais, j'ai testé pour vous l'active learning sur une classe de huit étudiantes de doctorat il y a deux semaines. Et elles ont adoré. Je les ai fait rires avec mes propositions de parodies et les questionnaires que je leur ai fait remplir à la fin étaient pleins de commentaires positifs. Du coup, il y a de l'espoir.
Je vais continuer à tester avec d'autres classes et je vous tiendrais au courant.
Quelques exemples
En attendant, voici quelques exemples d'activités tirées du livre de Walsh et Inala qui m'ont bien plu et que j'ai déjà testées ou que je tenterais très bientôt.
"Le vote express"
Choisir une question (par exemple : "quelle est votre base de données préférée ?") et l'afficher bien en évidence sur un mur. En dessous, coller plusieurs papiers correspondants à diverses réponses possibles (un pour chaque base de donnée à laquelle ils ont accès depuis votre établissement par exemple). Quand les étudiants rentrent dans la classe, avant qu'ils ne s'asseyent, leur demander de voter en apposant un post-it sous leur réponse. C'est très visuel et ça permet d'amorcer la conversation.
"La parodie"
Leur demander de plancher par petits groupes sur un sujet parodique. Par exemple, j'ai demandé à mes doctorantes de noter cinq points qui leur permettraient de faire la plus mauvaise recherche documentaire possible...
Pas mal en introduction, histoire de commencer à les faire réfléchir sur le sujet qu'on va aborder.
"Good Search, Bad Search"
Après leur avoir montré comment effectuer une recherche documentaire dans les règles de l'art, donner aux étudiants un exemple de mauvaise recherche et les faire discuter par paires sur :
- En quoi cette recherche est-elle "mauvaise" ?
- Comment pourraient-ils l'améliorer ?
"La recette"
Leur demander de travailler deux par deux pour écrire la "recette" d'une bonne recherche doc, avec liste d'ingrédients et démarche étape par étape.
Bonus : jouer à Masterchef pour élire la meilleure recette.
"La citation façon puzzle"
Après leur avoir expliqué comment citer correctement un document, leur donner une citation "en kit" : les différents mots qui composeraient la citation sont tous sur des morceaux de papier différents. Il faut qu'ils les remettent dans l'ordre.
"I will do it"
À la fin de la séance, demander aux étudiants de noter ce qu'ils feront dans les semaines à venir pour mettre en application leurs nouvelles connaissances. Leur faire noter leur nom et adresse mail. Leur renvoyer par mail un scan de leur feuille le mois suivant en leur demandant s'ils ont fait ce qu'ils avaient dit et si on peut les aider à accomplir leurs objectifs.
(1) Walsh, Andrew and Inala, Padma (2010) Active Learning Techniques for Librarians: Practical Examples. Chandos, Cambridge. ISBN 9781843345923
Photo : Brook Ward
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Voilà, j’ai enfin terminé et donné ma première formation version pédagogie active mise en place grâce à votre blog. Ce n’était pas facile de l’envisager, vu mon public. Je ne sais pas encore comment ils l’ont perçue. On verra après la deuxième partie. Encore merci pour les outils. Quand j’aurai fini de procrastiner, je mettrai mes versions sur un blog (enfin, « mes versions », c’était très copié sur les vôtres !)
RépondreSupprimerSuper ! J'espère que ça c'est bien passé et je lirais avec plaisir votre compte-rendu !
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