Lors du congrès de l'ABF 2015,
en plus de présenter mon poster, j'ai pu assister à quelques conférences intéressantes.
Voici les notes que j'ai prises au cours d'une séance fort amusante intitulée "Quand le bibliothécaire persécute l'usager : interdits et usages illégitimes".
Cette table ronde s'est déroulée en trois temps, avec trois interventions autour du thème central.
La session était modérée par Céline Vidal, présidente du groupe ABF Languedoc-Roussillon.
Comment dégoûter un lecteur assidu ? - Marielle de Miribel
Marielle de Miribel est conservatrice en chef, chargée de mission qualité au bureau des bibliothèques de la ville de Paris.
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Avoir des locaux miteux, en particulier des toilettes sales ou fermées.
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Un lieu anonyme qui conduit à ne pas se sentir chez soi. Avoir des portes lourdes, peu ou une mauvaise signalétique.
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La mine revêche : il faut sourire… à bon escient !
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Abuser les lecteurs timides : le bibliothécaire se conduit en prescripteur (il sait mieux que vous !), il est là pour faire du “sauvetage” (il faut à tout prix les faire lire… “Si tu prends une BD, il faut aussi que tu prennes un ‘vrai’ livre.”).
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Un vrai capharnaüm : pas de désherbage, des piles de livres partout, et, au final, une sensation d’étouffement.
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Des réponses évasives : du personnel incompétent à l’accueil, aucun document papier à donner au lecteur pour l’aider à s’orienter.
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Déprécier le lecteur : certains collègues n’hésitent pas à humilier les lecteurs publiquement.
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Le bibliothécaire inquisiteur : des sanctions trop fortes, injustes.
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Décider à la place du lecteur.
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Ignorer les lecteurs, c’est tout un art :
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Indifférence : faire comme si on était seul, pas de contact visuel, faire attendre.
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Impatience : faire comprendre au lecteur qu’on a autre chose de plus important à faire ; s’en aller quand un lecteur arrive.
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Suspicion : passer derrière les lecteurs pour vérifier ce qu’ils font...
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Mépris : c’est au lecteur de s’adapter et de se soumettre. Le bibliothécaire ne se déplace pas.
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À quoi sert le règlement ? - Anne-Christine Collet
Anne-Christine Collet travaille au SCD de l'Université Lyon 1.
Le règlement cadre l’offre collective qui est sensée répondre aux besoins de tous.
Il est porteur d’une norme sociale,
c’est un contrat social : le règlement ne contraint pas seulement, il libère aussi.
Très vite, on trouve dans les règlements de bibliothèques des
mentions d’exclusion.
Lors de la rédaction, il faut faire attention au vocabulaire. Par exemple, “le prêt est consenti” donne l’impression que l’on fait une faveur au lecteur.
Souvent, l’inscription est soumise à l’apport d’une pièce d’identité, d’un justificatif de domicile, etc.
Pourrait-on
s’appuyer sur les remarques des usagers pour adapter le règlement ?
On pourrait aussi accompagner le règlement d’une
charte d’accueil.
Intervention de la salle :
La bibliothèque de Dunkerque est gratuite et les inscriptions se font sans documentation. Cela a permis d’augmenter le nombre d’usagers, en particulier chez les migrants, précaires.
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“Fais pas ci, fais pas ça : les interdits en bibliothèque” - Anne Verneuil / Adèle Spieser
Présentation par Anne Verneuil (présidente de l'ABF) du mémoire d'étude d'Adèle Spieser (directrice adjointe de la médiathèque Marguerite Duras, Ville de Paris). Pour lire ce mémoire dans son intégralité, c'est par ici.
Il y a une
sacralisation du lieu, du livre.
Les interdits proviennent d’une
crainte pour l’ordre public. Les comportements interdits dépendent du secteur de la bibliothèque :
- En bibliothèque patrimoniale, les interdits portent sur les documents.
- En BU, ils cherchent à favoriser le travail.
La bibliothèque étant un espace public, les interdits soulignent que
“on n’est pas chez soi”.
Néanmoins, on observe que le libre accès est en augmentation, qu’il y a une automatisation des prêts, que l’anonymat devient possible.
La bibliothèque est un lieu légitime. Par exemple c’est souvent un lieu que les adolescents peuvent fréquenter seuls.
On observe souvent des
signalétiques autoritaires, des logos en forme de sens interdit.
Les ambigüités peuvent conduire à des conflits.
Certaines bibliothèques utilisent des
méthodes de surveillance : vidéo, vigiles… Mais la médiation est à privilégier !
On utilise aussi des systèmes antivol, des systèmes de contrôle des PC pour éviter les téléchargements, etc.
Lorsqu’il y a
transgression, c’est que le lecteur ne sait pas, qu’il oublie, ou parfois qu’il y a opposition.
Pour harmoniser les interventions, il est bon d’avoir une
charte d’accueil destinée aux personnels. Peut-être faudrait-il interdire moins pour accueillir mieux ?
Il peut y avoir différents espaces pour différentes pratiques
Anne Verneuil suggère d’appeler le lecteur
“client” afin de souligner qu’il a le choix parmi différentes offres.
Dans sa bibliothèque,
le règlement est strict afin de pouvoir se protéger en cas de problèmes.
Mais les bibliothécaires se montrent volontairement tolérants au jour le jour.
Lorsqu'on interdit, il faut
dire, expliquer pourquoi et remercier le lecteur !
Il est bon de pouvoir recruter des non-bibliothécaires : leur regard extérieur peut permettre de ne pas faire les choses juste parce qu’on a toujours fait comme ça…
Dans l’imaginaire collectif, il existe des règles spécifiques qui s'appliquent au bibliothèques. Les lecteurs peuvent se sentir coupables ou tout du moins conscient de leur transgression. Pourtant, ces règles n'existent pas forcément dans le règlement de la bibliothèque qu'ils fréquentent !
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[EDIT] Je viens de m'apercevoir qu'il y avait eu une captation vidéo de la conférence.
Vous pouvez donc la regarder ici, comme si vous y étiez !
Et
voici la présentation de la première intervenante.